Le burn-out est la dernière étape d’un processus d’épuisement nerveux qui conduit une personne à se trouver, un beau jour, dans une grande difficulté ou une incapacité à assumer son quotidien dans le cadre professionnel, familial ou scolaire.
Le récit de ceux qui l’ont traversé est celui d’une fatigue chronique due à une surcharge de plus en plus insoutenable, qui a transformé leur vie en un laborieux processus de défense contre les difficultés jusqu’à l’écroulement, quand le corps impose l’arrêt à travers une fatigue extrême, une maladie ou un accident invalidants.
Les modes de vie qui exigent une adaptation trop rapide au changement favorisent le burn-out car ils ne laissent ni l’espace, ni le temps nécessaires pour s’approprier ce changement. Le constat n’est pas nouveau: dès le 19è siècle, le neurologue George Miller Beard avait identifié la neurasthénie comme une "maladie de civilisation", dont la cause était selon lui le rythme frénétique des grandes villes. On peut considérer la neurasthénie comme l’ancêtre du burn out, dont la spécificité sera décrite à partir de 1980 par Herbert J. Freudenberger qui relie le burn out, "brûlure interne", au domaine professionnel.
D'autre part, la définition du burn-out peut être élargie et appliquée, de nos jours, à certaines situations d’épuisement dans le cadre familial, parental, maternel, ou dans celui des études par exemple. La philosophie, la psychologie du travail et des organisations, la sociologie présentent de riches analyses sur la place du travail au plan individuel et sociétal.
Mais qu’est-ce qui explique, par ailleurs, que certaines personnes soient plus exposées que d’autres au burn out dans des conditions relativement similaires ? Cette interrogation mène à un changement de point de vue: la pression venue de l’extérieur est une condition nécessaire mais pas suffisante du burn-out, dont le processus ne se déclenche qu’à travers la rencontre entre un individu singulier et son environnement. L’intérêt de comprendre ce processus interne est de permettre à la personne qui souffre de burn-out de prendre conscience de ce qui, en elle, la rend vulnérable à la pression extérieure. Cette prise de conscience change sa position face à la situation actuelle et à celles de même nature qui se présenteront à elle à l’avenir.
La personne en burn-out se sent "vidée" de son énergie sur tous les plans: émotionnel, psychique, physique; elle ne trouve plus de ressources en elle pour continuer ce qu’elle avait pourtant accompli avec motivation auparavant.
La conception économique de la libido élaborée par Freud est un bon outil pour commencer à comprendre le burn out: admettons que nous disposons tous d’une certaine quantité d’énergie interne, que nous dépensons d’un côté et renouvelons de l’autre. Certaines activités ou relations, spécifiques à chacun, nous apportent de l’énergie tandis que d’autres nous en retirent. Si les dépenses et les apports sont équilibrés, tout va pour le mieux. Dans le cas du burn-out, un déséquilibre se produit progressivement à cause d’un investissement intense dans une activité sur une longue période, alors que cette activité n’apporte pas ou plus les satisfactions espérées à la personne qui n'a pas d’apport suffisant d’énergie par ailleurs.
L’activité sans répit dans cette situation de déséquilibre crée une surcharge qui peut être comparée à une surchauffe et à un processus de combustion. Quand ce processus se met en place, la personne en burn-out dispose de moins en moins de ressources pour s’impliquer dans autre chose, même si elle en a le désir. Selon le type de burn-out, certains aspects de l’existence comme la famille, les amis, le couple ou la profession sont délaissés, que ce soit visible ou dissimulé derrière les apparences.
Cet état de burn-out n’arrive pas du jour au lendemain: il s’installe de manière progressive, sans que la personnalité ne soit d’abord modifiée de façon visible. Il est le résultat d’un cercle vicieux enclenché bien avant la crise finale: concentrée sur le domaine dans lequel elle est engagée, la personne en voie de burn-out est perfectionniste et ne ménage pas ses efforts; elle accepte toutes les demandes sans se poser au préalable la question de savoir si elle est en mesure de les prendre en charge. Dans cette logique, plus il y a " à faire", plus elle investit, et plus elle investit, plus il reste "à faire". L’angoisse et le sentiment de culpabilité accompagnent cette fuite en avant: la personne ne compte plus ses heures, pense à ce qu’il lui reste à faire, craint de ne pas y arriver, anticipe des conséquences désastreuses par sa faute… et ne parvient plus à se détacher de ces pensées; dans ses autres activités, et même si elle en a le sincère désir, elle n’est pas vraiment présente, mais toujours préoccupée. Finalement, l’activité investie devient un fardeau insurmontable: ce n’est jamais assez bien, assez complet, assez performant, assez vite.
Le quotidien devient un combat sans fin pour "bien faire" jusqu’à l’épuisement complet des ressources qui génère à plus ou moins long terme un sentiment d’impuissance et d’absurdité conduisant au désinvestissement, au cynisme et au sentiment d’échec. Le déséquilibre psychique comparable à une brèche dans le psychisme peut alors conduire, s'il n'est pas traité, à une dépression.
La fatigue chronique, puis l’épuisement sans causes organiques particulières résultent, selon la psychanalyse, d’un conflit inconscient entre les contraintes que la personne s’impose et ses désirs véritables. Un parent, un professionnel ou un étudiant particulièrement consciencieux et dévoués ont en commun la volonté d’être "bon" parent, "bon" professionnel ou "bon" étudiant. Toutes ces représentations renvoient à un idéal en rapport avec leur histoire personnelle, familiale et transgénérationnelle; cet idéal, qui entre en résonance avec les injonctions sociales, ouvre la voie à un surinvestissement proche du sacrifice.
Alors qu’elle est très motivée au départ, la personne en voie de burn-out croit pouvoir surmonter sans grande difficulté les moments de malaise, les douleurs, les comportements inhabituels qui ont commencé à surgir dans sa vie et dont elle a du mal à saisir le sens. Elle se défend naturellement contre ces signaux de vulnérabilité, parce qu’ils ne correspondent ni à l’idée qu’elle se fait d’elle-même, ni à la façon dont elle pense qu’on la perçoit ou dont elle souhaite qu’on la perçoive, ni à l’idée qu’elle se fait de ce que l’on attend d’elle et de ce qu’elle exige finalement d’elle-même. L’image de soi est atteinte de plus en plus profondément, car l’idéal fixé se révèle impossible à atteindre.
Entre sentiment d’impuissance et besoin de reconnaissance, une lutte héroïque s’engage alors pour "assurer" et "réussir", lutte dont le bénéfice inconscient est le sentiment de toute-puissance face à l’adversité. Bien que ce sentiment de toute-puissance offre une satisfaction temporaire, il conduit à s’imposer de telles contraintes que la personne finit par ne plus se reconnaître elle-même et perdre de vue son propre désir. Ainsi décrit, le burn-out est un signal de ce à quoi on n’a pas encore fait face en soi, qui demande à être dit, entendu, et vécu. C’est en ce sens que se connaître soi-même, comme Socrate aimait à le rappeler, permet de transformer ensuite, de façon sereine et authentique, le monde dans lequel nous vivons: "Connais toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux".
Alisa El Beze - Thérapeute analytique
83, rue de Suez - 34070 Montpellier
06 44 84 28 60
Groupe de parole sur le thème du burn out à Montpellier le 25 novembre 2021 à 18h30: voir la section " Événements - Groupes de parole" du site.